Manger sainement, profiter de la vie, passer un bon moment entre amis – tout ceci se déroule dans la cuisine ou autour de son îlot. Quels sont les secrets des architectes concernant ce lieu ? À quoi attachent-ils de l’importance, pour eux-mêmes et leurs projets ? Deux architectes reconnus internationalement nous parlent de la cuisine contemporaine.

Avant de devenir architecte, Joanna Laajisto était snowboardeuse professionnelle. Aujourd’hui, la Finlandaise est surtout reconnue pour son style finnois revisitée. Avec elle, les cuisines modernes se transforment en espaces de vie du quotidien. Pour que cette transition s’effectue tout en douceur, Joanna Laajisto utilise de préférence le bois, la pierre et l’inox. Sa philosophie la pousse aussi à n’installer aucune armoire en hauteur : visuellement, la cuisine semble ainsi plus grande.
En Finlande, surtout à Helsinki, les cuisines sont traditionnellement très petites. Les créations de Joanna Laajisto proposent cependant tout le contraire. Elle a une préférence marquée pour les grands espaces ouverts, où l’on cuisine tous ensemble. « Au cours du processus de conception, j’attache une grande importance à la façon dont les appareils technologiques s’intègrent dans une pièce. Mes clients doivent donc savoir quel type de technologie ils veulent utiliser. En tant que conceptrice, j’apprécie particulièrement le fait qu’il y ait de plus en plus d’appareils sans fil. Les solutions d’éclairage Bluetooth et sans fil me permettent par exemple de faire nettement moins de compromis. La prochaine étape idéale pour moi, ce serait l’électricité sans fil ! » (rires)
VITRA VILLAGE
Le cadre de référence de Joanna Laajisto est très large. Elle a voyagé partout dans le monde, d’abord comme snowboardeuse professionnelle, puis comme architecte d’intérieur pour le bureau d’architecture californien Gensler, jusqu’à ce qu’elle fonde sa propre agence de design à Helsinki, le Studio Joanna Laajisto. Elle est particulièrement appréciée pour ses conceptions de cafés, bars, restaurants mais aussi d’espaces de bureaux. Le Vitra Village est l’une de ses créations les plus marquantes, un espace commercial de 1 000 m² conçu comme une place centrale sur le campus Vitra, projet dans lequel elle a intégré des technologies telles que des capteurs thermiques qui suivent les mouvements des clients afin d’optimiser l’espace commercial.
Elle a aussi ses propres idées bien arrêtées en ce qui concerne la cuisine et l’alimentation modernes. « Selon moi, la cuisine et la salle à manger sont des pièces où l’on doit avant tout se sentir à l’aise. J’essaie d’intégrer ces espaces de vie quotidienne l’un à l’autre, sans transition. Je préfère également placer l’îlot de cuisine au centre, pour que l’on puisse être ensemble pendant que l’on cuisine, s’entraider, se parler en toute convivialité. Par ailleurs, un éclairage à intensité variable permet de créer des ambiances différentes pour le petit-déjeuner, le déjeuner ou une soirée entre amis. Autre élément très important : une bonne acoustique. »


L’architecte néerlandais Marc Koehler fait fureur au niveau international avec ses ‘super-lofts’. Un développement de projet sans précédent, pour lequel les résidents participent à la conception et à l’aménagement des appartements dès le premier stade de la création. Il initie ainsi une ‘communauté’, bien avant la ‘construction’, et les super-lofts représentent le modèle d’une nouvelle forme de développement urbain. Le bloc super-loft Y à Utrecht lui a par exemple permis de remporter en 2018 le BNA Building of the Year Award.
LA CUISINE À L’ÉTAGE
La vision de Marc Koehler sur l’habitat et le mode de vie durables s’incarne autant dans la construction que dans l’utilisation des bâtiments. Alors que dans une maison ‘classique’, l’espace de vie est généralement situé en bas et les chambres à coucher en haut, Marc Koehler fait exactement l’inverse dans ses super-lofts. « Nos concepts de construction flexibles sont pour moi les outils d’un monde sain. La cuisine est à l’étage, vous devez donc souvent monter et descendre les escaliers et ainsi faire davantage d’exercice. Le bureau n’est plus seulement un lieu où l’on travaille, il peut aussi servir de salle de sport. Il y a également beaucoup de plantes, qui créent un milieu de vie sain, purifient l’air et apportent de l’oxygène. Nous utilisons aussi des matériaux naturels et intemporels comme la pierre et le bois. Des matériaux dont la beauté perdure et que l’on peut réutiliser. Tout cela fait partie de ma vision d’une vie saine, durable et efficace. »
La cuisine occupe toujours une place prépondérante, en plein cœur de la maison, avec l’îlot comme phare autour duquel tout se rejoint. « Manger et cuisiner sainement doivent devenir des choses agréables à faire, plutôt que des ‘tâches obligatoires’ à accomplir. Dans cette optique, nous choisissons d’ouvrir l’espace, et d’installer dans la cuisine des appareils et des meubles multifonctions. L’îlot de cuisine, c’est non seulement un endroit où cuisiner, mais aussi une table, un lieu social où l’on se réunit pour parler de sa journée. Un espace où le contact se crée. »

CATALYSEURS TECHNOLOGIQUES
La technologie et l’innovation, chacune à leur propre niveau, sont des catalyseurs du développement de projet. « Pour chaque nouveau concept de construction, nous voulons repousser nos limites. Prenez par exemple la réutilisation de l’eau des douches et des machines à laver pour alimenter la chasse des toilettes ou le lave-vaisselle. Vous économisez ainsi 60 % de votre consommation d’eau. À Amsterdam, les sols des lofts sont refroidis par l’eau de l’IJ, et en hiver, ils sont chauffés par l’énergie de la zone industrielle située à proximité. Dans le nord d’Amsterdam, nous avons même économisé une quantité record d’énergie grâce à cela. Chaque super-loft représente ainsi une étape vers un avenir durable. »
La technologie qu’il préfère ? « Je suis fan des serrures intelligentes, qui vous permettent de donner accès à quelqu’un à votre habitation via votre téléphone. Je trouve aussi intéressants les réfrigérateurs capables de commander des aliments quand ils constatent que ceux que vous consommez fréquemment sont manquants. Si nous pouvons éviter les désagréments quotidiens en utilisant notre téléphone, je suis pour. Et il y a mieux encore : les appareils auto-apprenants. »